Un trajet en bus

Vouloir se rendre à Sayabouri pour atteindre le Centre de Conservation des Elephants du Laos, c’est sortir des sentiers battus et s’exposer à un trajet local haut en couleurs. J’ai beau m’y attendre, je vais quand même de surprise en surprise.
J’aurais dû me méfier quand, deux jours avant le départ, j’ai pris mon billet pour le bus de 9 heures. Heure de départ mentionnée : 7 heures. Ah mais non je voudrais celui de 9 heures s’il vous plait. Oui, oui c’est bien celui-là. Dès qu’il est plein, il part. D’ailleurs on me conseille d’arriver 30 minutes plus tôt que l’heure mentionnée. Comme j’adore les matins qui chantent, je fais semblant d’être ravie, mais je ne trompe personne.

Quand j’arrive, le bus est là. Ah bon, ça roule un truc comme ça ? Techniquement, ça doit être possible, il y a quatre roues. Je trouve mon siège, facile j’ai la place d’honneur au premier rang. Cela surprend tellement qu’il y ait une Occidentale dans ce bus que pas moins de 6 personnes viennent vérifier mon ticket. Ils sont persuadés que je me suis trompée, c’est plutôt sympa. Les gens arrivent petit à petit, sans se poser de question sur l’heure de départ, eux. Tout le monde s’entasse, à plusieurs par siège, avec les victuailles odorantes du marché (ah la bonne odeur de viande qui émane des sacs de mon voisin !). Et quand le bus est complet, en fait il ne l’est pas encore : et vas-y que je te mets des tabourets dans l’allée, et hop 15 passagers de plus !

Le bus démarre finalement à 8 heures. Nickel, on va moins souffrir de la chaleur. Comme il n’y a bien sûr pas de clim, toutes les fenêtres sont ouvertes, c’est bien plus pratique pour se manger des paquets de poussière.
Au bout de 5 minutes, on fait déjà une pause à la station essence. Ah, il vaut mieux partir avec le réservoir plein, malin ça. Bon allez, c’est parti. Le bus va tellement vite qu’on se fait  dépasser par tout le monde, même par un petit scooter. On s’arrête tous les quarts d’heure pour prendre un nouveau passager qui s’entasse au milieu ou à l’avant. Le must c’est le redémarrage en côte, le moteur ne tient pas, le bus fait du 5km/h puisque un homme marche à côté de nous. Véridique !
J’ai déjà chaud, il faut dire que je suis côté soleil, c’était donc une place à mi-honneur. La grand-mère derrière moi tousse et crache sans arrêt, elle n’a pas l’air très en forme. Mon voisin s’endort et tombe sur moi toutes les cinq secondes. Je sens que ce trajet va être particulièrement long….

Trajet vers Sayabouri

Mais ce trajet n’est rien à côté du suivant quelques jours plus tard.
Forte des enseignements du premier bus, j’arrive très en avance. Pas assez, le bus est déjà parti. Pas de panique, un autre va être affrété. J’arrive à avoir un billet, pas de chance, cela sera au fond. C’est rigolo, normalement chacun donne son nom pour être sur la liste des passagers, moi j’ai le droit à un F. Pour Falang, l’étrangère, la blanche. Effectivement je suis la seule hurluberlue blanche à faire le trajet Sayabouri – Vang Vien. D’ailleurs je suis la seule à faire ce trajet tout court, puisque je m’arrête avant la destination finale qu’est Vientiane. Va pas falloir que je m’endorme, ils ne sont pas du genre à prévenir à l’arrêt demandé, il ne vaut mieux pas s’attendre à un « si vous voulez bien vous donner la peine de descendre… » Mais, on n’y est pas encore. Nous ne sommes toujours pas partis.

Second coup de pas de bol, nous sommes dimanche, les Laotiens retournent à leur semaine avec « quelques » paquets : il y a là pas moins d’une cinquantaine de sacs de riz, a priori d’un demi-quintal chacun, en plus des bagages. Ça va être compliqué pour tout faire rentrer. Alors tout le monde attend, sans bouger. Sauf un qui de temps en temps fait un mouvement : numéroter un sac, en déplacer un autre, s’asseoir, faire deux pas, chercher une corde pour monter tout cela sur le toit, rater le nœud, regarder, attendre une quelconque aide, recommencer… On croirait un ballet ultra lent finement répété, je suis sûre que cela inspirerait les chorégraphes avant-gardistes du Théâtre de la Ville. Évidemment les préposés ne commencent à se préoccuper de tout ceci qu’une fois que tous les tickets ont été achetés, pas question d’anticiper.  Cela fait une heure que le bus aurait dû partir, mais ce n’est toujours pas à l’ordre du jour. Je me mets dans un coin et j’écris ces quelques lignes pour ne jamais oublier ces heures sans bouger à regarder le jour décliner…

trajet depuis SayabouriTrois heures plus tard et je ne sais combien de sacs embarqués ainsi qu’un scooter, le bus part. Vingt mètres plus loin, c’est la pause à la station essence, obligé. Cinq kilomètres de plus, et le bus s’arrête pour prendre ses premiers passagers sur le bord de la route. Ceux là ont du matériel de chantier à embarquer, il faut donc sortir les sacs de la soute pour pouvoir mettre une immense barre de fer. N’oublions pas que nous sommes dimanche, il va y en avoir des arrêts sur la route !

On frôle le mur du son quand à la première montée le moteur peine franchement, il faut dire que nous sommes un brin chargés… Pause au sommet, inspection oblige, ça fume. Fausse alerte, allez circulez !
Une grande lassitude me prend quand le chauffeur met sa musique à fond les ballons, avec un volume sonore prêt à faire danser tous les Laotiens du pays. Cela fait beaucoup, j’avoue j’ai encore trop d’âme occidentale pour apprécier tout ça en même temps. Et dire qu’il y a encore 5 heures de trajet dans la montagne. A priori…

Je regrette déjà les bus en Birmanie. Beaucoup.
Il fait nuit noire, si les renseignements que j’avais eus s’étaient avérés exacts, j’aurais déjà dû être arrivée. Mais les côtes à 15% donnant lieu à chaque fois à des pointes à 10 km/h et vérification du moteur en haut de chaque col me font dire qu’en plus d’être long, ce trajet-ci va être éprouvant…
Il paraît que le paysage est magnifique, je n’en saurai rien. J’arriverai à une heure du matin à destination, ou pas très loin de la dite destination puisque je descends au milieu d’une route déserte. Soit cinq heures plus tard que prévu. Fatiguée, contente d’entendre le calme de la nuit, et ravie de trouver un conducteur de tuk-tuk qui accepte de se réveiller pour me conduire à bon port. Time to sleeeep for me!

 

Après ces trajets vers/depuis Sayabouri, je me souhaite ne pas oublier ces voyages hauts en couleurs. En fonction du degré de fatigue et de son propre baromètre, ils peuvent donner lieu à des moments de tension ou à des rencontres savoureuses.
Pour ne pas les effacer de ma mémoire, je m’amuse à ici consigner certains d’entre eux que j’ai empruntés pour longer le Mékong au Laos.
Pour se repérer, une petite carte s’impose :

Les trajets au laos

Pour le trajet le plus long, entre Vientiane et Paksé au pied du plateau des Boloven, je décide de m’auto-surclasser en m’offrant cette fois-ci le « sleeping bus ». Il vaut mieux mesurer moins d’1m50, faire moins de 50 cm de large, aimer la promiscuité et être fan de sauna-hammam. Cela ne sera pas la meilleure nuit de ma vie, mais le bus sera ponctuel, je m’en étonne presque.

Sleeping bus, le luxe en petit

 

Le bus local entre Paksé et les 4000 îles s’avère être en fait un pick up. Il fait chaud, on mange des paquets de poussière, on se marre avec les Laotiens, je joue à l’infirmière car un malin se coupe en faisant des acrobaties à l’arrière, le chauffeur envoi des textos en conduisant, on s’arrête dix fois pour dire bonjour à des amis, et on finit par bomber pour attraper le dernier ‘bac’ pour arriver à destination…

Pick up pour les 4000 iles
La dernière équipée est juste d’anthologie. Comme Lao Airline a annulé à la dernière minute son vol pour le Cambodge faute d’un nombre suffisant de passagers (une de leur spécialités apparemment), je prends l’option terrestre pour quitter le Laos et rejoindre Siem Reap. Ça tombe bien, il y a un bus qui fait le trajet depuis les 4 000 îles. Enfin, officiellement.
En fait, cela sera 3 mini bus, deux bateaux, un vieux bus, deux pots-de-vin à la frontière (notons que les policiers laotiens sont moins gourmands que leurs homologues cambodgiens), deux heures d’attente au soleil, un petit malaise, un billet de bus acheté en double pour satisfaire une magouille cambodgienne et éviter de se retrouver sur le bord de la route, et un chien écrasé. Welcome in Cambodia!
Il n’y a pas de photo de cette petite aventure, cela valait pourtant des points.

 

Le clin d’œil de fin revient à Xuan, une amie rencontrée à Yangon, qui, il y a quatorze ans, avait effectué le même trajet que moi pour se rendre à à Vang Vien. Sa photo aurait pu être prise aujourd’hui. Rien n’a changé.
A l’image de l’expression favorite des Laotiens : Bo Pen Nyang ! Pas de problème, quoi.

Au même endroit, 14 ans auparavant...

 

 

 

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